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lois concernant la viande et le lait, chapitre 89 de Yoré Déa

par: Rav Y.Ullmann, E.Soucaris,

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Yore Dea Chapitre 89

 

Introduction :

Nos Maîtres ont interdit de consommer ensemble du lait et de la viande même à froid, comme l’écrit le Choul’han Arou’h au début du chapitre 87 : « il est interdit par décret rabbinique [de les consommer ensemble] de quelque façon que ce soit ». Qu’en est-il si on les consomme l’un après l’autre ?

 

Consommer du lait après de la viande :

Voyons tout d’abord la source du problème au traité ‘Houlin 105a :

 

« Rav ‘Hisda a dit : on a mangé de la viande, il sera interdit de manger du fromage ; mais si on a mangé du fromage, il sera permis de manger de la viande »

On a tendance à croire que c’est parce que la viande et le lait se rencontrent dans l’estomac qu’il est interdit de les manger l’un après l’autre. Mais il n’en n’est rien, car si c’en était la raison, il aurait aussi été interdit de consommer de la viande après des laitages. En fait, l’interdit de tirer profit du bassar vehalav ne s’applique qu’à de la viande et du lait qui ont cuit ensemble, comme nous l’avons vu au chapitre 87 ; or, ici, le lait avalé après la viande n’est pas assez chaud pour pouvoir la cuire une fois arrivé dans l’estomac, car même si on était amené à ingérer du lait brûlant provenant d’un kéli richon, une fois dans la bouche ou dans l’œsophage, il perdrait sa capacité de cuire car il prend le statut de kéli chéni. Or un kéli chéni n’opère pas de cuisson et par conséquent le mélange du lait et de la viande dans l’estomac n’est pas interdit par la Torah, et donc n’est interdit par les ‘Hakhamim qu’à l’ingestion et non pas au profit.

C’est pourquoi Rachi commente :

« (…) étant donné que la viande laisse échapper du gras qui s’attache à la bouche et dont la saveur perdure ».

Rachi semble vouloir dire qu’il faille attendre un certain laps de temps avant de pouvoir consommer du fromage, puisqu’il précise que « la saveur perdure ». C’est-à-dire qu’elle ne disparaît qu’au bout d’un certain temps.

Essayons de cerner le propos de Rachi. Quel est précisément le problème ?

Rachi semble affirmer que du gras adhère à la bouche pendant un certain temps. Mais nous voyons du Tur que c’est là une manière obvie de comprendre les mots de Rachi.

Voici en effet ce que le Tur écrit au début de notre chapitre :

« Si on a mangé de la viande (…) on ne mangera pas du fromage jusqu’à ce qu’on attende (…) car la viande laisse sortir du gras dont la saveur perdure longtemps et d’après cette explication, si on n’a pas ingéré mais uniquement mâché pour [donner à] un petit enfant, il n’y aura pas nécessité d’attendre, étant donné qu’il ne l’a pas ingéré, il n’y a pas de saveur qui ressort ».

 

Ce que le Tur semble dire, c’est que, pendant un certain temps, on a des renvois dus à la viande depuis l’estomac, jusqu’à ce que la viande soit totalement digérée. Il ne faut pas manger de fromage tant qu’on a ces renvois. Par conséquent, écrit le Tur, si l’on n’a fait que mâcher et qu’il n’y a pas de renvois, il ne sera pas nécessaire d’attendre.

On comprend maintenant bien pourquoi ce n’est qu’après la viande qu’il faut attendre, et non pas après le fromage. En effet, le fromage est moins lourd que la viande et les renvois sont moins importants.

Rambam, quant à lui, explique différemment le fait de devoir attendre de consommer des produits laitiers après la viande :

« à cause de la viande qui reste coincée entre les dents ».

La viande étant souvent filandreuse, on risque ainsi de manger du fromage alors que des résidus de viande sont encore présents en bouche, et qu’ils peuvent venir à s’extraire d’entre les dents. On avalerait ainsi du bassar vehalav.

Il faut donc dire que le fait de se curer les dents ne permet pas de pouvoir manger immédiatement du fromage ; les commentateurs expliquent que c’est parce qu’on n’est jamais certain de l’efficacité totale de ce procédé.

Comment comprendre le point de vue de Rambam ?

Le Tur semble invoquer la décomposition enzymatique de la viande dans la bouche qui l’amène à perdre son statut juridique de viande. C’est pourquoi, selon lui, Rambam autorise, une fois avoir attendu le temps nécessaire, de consommer des laitages même si de la viande est encore coincée entre les dents[1].

Le Rachba, quant à lui, considère que la viande en décomposition avancée conserve néanmoins son statut de viande. Il faut donc attendre que cette décomposition soit sur sa fin pour que les derniers résidus de viande soient déglutis avec la salive ; par conséquent, d’après lui, si on sait que de la viande est encore présente entre les dents, il faudra la retirer.

A ce stade de la Guemara, nous n’avons encore pas d’informations sur la durée de temps qu’il convient d’attendre. Par la suite, la Guemara rapporte ce que Mar Oukba, sage du Talmud, disait :

 

אמר מר עוקבא אנא להא מלתא חלא בר חמרא לגבי אבא דאילו אבא כי הוה אכיל בשרא האידנא לא הוה אכל גבינה עד למחר עד השתא ואילו אנא בהא סעודתא הוא דלא אכילנא לסעודתא אחריתא אכילנא

 

Mar Oubka a dit : moi, au sujet [de savoir combien de temps attendre après avoir mangé de la viande], je suis, par rapport à mon père, comme le vinaigre face au vin. Mon père, lui, lorsqu’il mangeait de la viande aujourd’hui [par exemple], s’abstenait de manger du fromage jusqu’au lendemain à la même heure. Tandis que moi, ce n’est que durant le même repas que je n’en mange pas, mais d’un repas à l’autre, j’en mange !

La conduite du père de Mar Oukba est claire : il attendait 24 heures entre la viande et le fromage. Par contre, celle de Mar Oukba l’est moins. En effet, ce qu’il dit est ambigu : d’une part il prétend ne pas manger de fromage durant le même repas, ce qui signifie qu’immédiatement après le repas il le ferait sans problème, mais d’autre part, il ajoute qu’il faille attendre un autre repas pour le faire.

C’est justement cette ambiguïté qui a conduit à un débat entre Rambam et Tossefot.

Rambam a pris en compte la fin de la phrase de Mar Oukba. Voilà ce qu’il écrit :

 

מי שאכל בשר בתחלה (…) לא יאכל אחריו חלב עד שיהיה ביניהן כדי שיעור סעודה אחרת והוא כמו שש שעות (…)

Celui qui a mangé de la viande (…) ne mangera pas de lait jusqu’à ce qu’il y ait entre eux le temps d’[attendre] un autre repas et cela revient, à peu près, à six heures(…)

C’est-à-dire qu’il faut attendre le temps qui s’écoulait, à l’époque du Talmud, entre le repas de midi et le dîner qui avait lieu environ six heures plus tard. En effet, nos Maitres savent qu’en attendant le temps habituel qui sépare un repas d’un autre, on peut être certain que les restes de viandes qui s’immiscent entre les dents ou, pour Rachi, les renvois de l’estomac, ne posent plus problème. C’est pourquoi, ils ont exigé que l’on attende de passer à un autre repas afin de pouvoir consommer des laitages. Aussi, si le repas de viande dure plusieurs heures (comme c’est souvent le cas au festin de Pourim) et que six heures se soient écoulées depuis que l’on a mis en bouche le dernier morceau de viande, il ne sera tout de même pas permis de prendre un dessert lacté sans avoir auparavant récité le birkat hamazon sur le pain que l’on a continué à manger durant ces heures passées[2].

Quoiqu’il en soit, d’après Rambam et Rachi, il est nécessaire d’attendre un certain temps pour prendre des laitages après de la viande.

Tossefot, par contre, considère que l’essentiel est de ne pas prendre de laitages dans le repas de viande mais uniquement après l’avoir achevé.

De prime abord, il nous faut dire que selon Tossefot, ce n’est pas pour des raisons techniques, comme celles des renvois ou de la viande coincée entre les dents, qu’il est interdit de prendre des laitages après la viande, puisque la notion de temps n’intervient pas. Il faudrait donc expliquer que, selon sa perspective, les ‘Hakhamim ont trouvé nécessaire d’ajouter cette distance entre la viande et le lait de manière à protéger l’interdit même de bassar vehalav de la Torah : non seulement ne pas les consommer ensemble de quelque manière que ce soit, mais aussi de ne pas les prendre tous deux dans le même repas.

Mais alors, demande l’auteur du Torat ‘Haïm, comment expliquer l’importance de l’ordre dans lequel on doit les manger ? Pourquoi peut-on manger de la viande après du fromage dans le même repas et non pas du fromage après de la viande ?

Pour comprendre le fond de la pensée de Tossefot, lisons son commentaire se rapportant aux mots « mais d’un repas à l’autre, j’en mange » de Mar Oukba :

 

לאו בסעודתא שרגילין לעשות אחת שחרית ואחת ערבית אלא אפילו לאלתר אם סילק השולחן ובירך מותר דלא פלוג רבנן

 

Non pas un repas qu’on a l’habitude de faire, un le matin et un le soir[3], mais même immédiatement, si on a retiré la table[4] et récité la bénédiction, c’est permis, car les ‘Ha’hamim n’ont pas fait de distinction.

En substance, après avoir pris de la viande au déjeuner puis avoir retiré la table et dit les bénédictions de fin de repas, Mar Oukba s’autorisait à faire immédiatement un nouveau repas lacté, sans attendre le soir. Quant aux derniers mots « car les ‘Ha’hamim n’ont pas fait de distinction », ils paraissent énigmatiques. Le Yad Yéhouda nous éclaire : Tossefot est d’accord avec Rachi et Rambam qu’au fond, l’interdit en question est dû à des raisons techniques propre à la viande, et non pas seulement à une barrière visant à protéger l’interdit général de בשר בחלב. C’est pourquoi, ce n’est que dans un sens qu’on ne peut pas consommer des laitages et la viande l’un après l’autre, à savoir les laitages après la viande. Et pourtant, il n’y a pas lieu de marquer une attente entre la viande et le lait pour la raison suivante : généralement un intervalle de plusieurs heures sépare deux repas ; or les ‘Hahamim n’ont pas trouvé nécessaire d’imposer un nombre d’heures et ont simplement exigé que l’on passe à un autre repas, même si parfois il arrive que l’on veuille prendre du fromage immédiatement après avoir terminé son repas de viande. C’est là le sens des derniers mots de Tossefot « car les ‘Ha’hamim n’ont pas fait de distinction ».

Il existe enfin un dernier avis qui est celui de Rabénou Tam. D’après lui, il est possible de manger du fromage dans le même repas, pourvu que l’on fasse קנוח והדחה, c’est-à-dire que l’on se nettoie la bouche et les mains auparavant[5]. Par contre, après avoir mangé du fromage, il suffit de se nettoyer les mains.

Il explique de deux manières l’attitude qu’avait Mar Oukba d’attendre un autre repas : soit que Mar Oukba était plus sévère envers lui-même que la loi ne l’exige, soit qu’il attendait un autre repas[6] lorsqu’il ne s’était pas nettoyé la bouche ni les mains.

En résumé : le fait que ne pas pouvoir manger directement des laitages après de la viande soit dû à des raisons techniques fait l’unanimité. La question est de savoir si les ‘Ha’hamim ont imposé un temps d’attente ou bien qu’il suffise de terminer le repas (לא פלוג רבנן).

Selon qui la halakha tranche-t-elle ?

Rabbi Yossef Caro, qui est suivi, la plupart du temps, par les séfarades (tout du moins dans les cas où il est le plus pointilleux, et c’est le cas ici), écrit qu’il faut attendre six heures, et suit en cela l’opinion de Rambam[7].

Rabbi Moché Isserles, dit le Rama, mentionne un autre avis :

« Et certains disent qu’il n’est pas nécessaire d’attendre six heures, mais même immédiatement, si on a retiré la table et récité le Birkat Hamazone[8] ce sera permis, après s’être nettoyé et rincé la bouche[9] ».

Le Rama fait une synthèse de Rabénou Tam et de Tossefot : se nettoyer la bouche n’est pas suffisant tout comme retirer la table et réciter les « actions de grâce ». C’est là, explique le Yad Yéhouda, une précaution que prend le Rama en associant les exigences de chacun, ne sachant pas lequel des deux avis suivre[10].

Cependant le Rama poursuit et rapporte l’attitude qu’on avait à son époque et dont Rabbi Israël Isserlin, dans l’Allemagne du 15ième siècle, nous donne déjà un témoignage :

« (…) l’habitude répandue dans nos régions est d’attendre une heure après avoir mangé de la viande, et ensuite on mange du fromage. Mais il faut aussi réciter le Birkat Hamazone après la viande, car alors c’est comme un nouveau repas dans lequel on peut manger [du fromage] d’après ceux qui permettent [de manger un repas lacté sans attendre six heures], mais sans réciter le Birkat Hamazone, attendre l’heure ne sert à rien [car on est toujours dans le même repas] (…) ».

D’après Rabbi Israël Isserlin, l’auteur du Téroumat Hadéchène, il n’existe pas de source véritable à cette manière de voir et ce serait une volonté populaire de trouver un compromis entre Tossefot et Rambam qui en aurait été à l’origine.

Le Gaon de Vilna, par contre, propose de dire que ce minhag, tradition, trouve un appui dans un passage du Zohar qui se montre très sévère vis-à-vis de celui qui mangerait de la viande et du lait dans la même heure.

Et le Rama de conclure :

« (…) certains sont soucieux d’attendre six heures après avoir mangé de la viande pour prendre du fromage, et il est juste de faire ainsi ».

Ainsi le Rama, tout en ne condamnant pas le minhag en vigueur à son époque, encourage les gens à passer de une à six heures.

A notre époque, même la grande majorité des juifs ashkénazes attend six heures, comme en témoigne Rav Mikhel Epstein dans son Aroukh Hachoul’han[11], sauf certaines communautés d’origine allemande et alsacienne qui attendent trois heures[12] et d’autres de Hollande qui ont conservé le vieux minhag en vigueur à l’époque du Rama qui était de n’attendre qu’une heure[13].

Notons qu’un minhag communautaire n’est pas quelque chose de facultatif. Le Talmud au traité ‘Houlin 93b apprend du verset :

וְאַל תִּטֹּשׁ תּוֹרַת אִמֶּךָ

« N’abandonne pas la loi de ta mère » (Proverbes 1)

l’obligation de le respecter. Rachi glose « la loi de ta mère » par la « coutume de ta région ». La mère signifie ici le pays d’origine tout comme une mère est à l’origine de son enfant. C’est pourquoi le ‘Hokhmat Adam écrit qu’une personne qui appartient à une communauté dont le minhag est d’attendre six heures et ne le respecte pas passe outre à l’obligation de suivre un minhag comme indiqué dans le passage du Talmud précité.

 

Définition de ce qui rend « bassari » :

L’adjectif « bassari » qualifie dans l’hébreu de l’étude un aliment contenant de la viande. Aujourd’hui, dans l’hébreu parlé de l’étude, on l’emploie aussi pour qualifier des personnes qui doivent momentanément s’abstenir de manger des laitages après mangé de la viande. Par souci de commodité, nous ferons usage de cette acception dans notre texte.

Commençons par noter avec le Choul’han Aroukh que l’on devient bassari même après avoir mangé de la volaille ou du gibier, alors que l’interdit de bassar bé’halav correspondant n’est pas ici de la Torah.

Quantité minimale de viande à ingérer pour devenir bassari :

Même si l’on a ingéré une infime quantité de viande, on deviendra bassari ; nos Maîtres n’ont pas fait de distinction. C’est pourquoi, il ne faudra commencer le décompte des six heures qu’une fois avoir avalé tous les restes de viande se trouvant dans la bouche.

Par conséquent, en théorie, si pendant les six heures on a avalé un reste de viande qui était coincé entre les dents, il faudra reprendre le décompte des six heures. Néanmoins, comme l’écrit le Haflaa, on n’a pas l’habitude d’y prêter attention. Il nous semble pouvoir expliquer ce laxisme d’après les deux raisons qui motivent l’attente des six heures. En effet, il se peut que de simples résidus de viande que l’on avale ne puissent pas provoquer de renvois ; de même, si l’attente est due aux morceaux de viande qui seraient restés coincés entre les dents, il est logique que le fait même de nettoyer les dents en avalant ces résidus de viande ne puisse pas obliger la personne qui le fait à attendre de nouveau pour pouvoir consommer du laitage.

Se rend-t-on bassari en mangeant un aliment cuit avec de la viande ?

Il s’agit par exemple d’un œuf qui a mijoté dans un ragoût avec de la viande. Devient-t-on bassari, si on le mange après avoir rincé sa coquille[14] ? La question est de savoir si la simple saveur de viande absorbée dans l’œuf rend la personne qui en mange bassari.

Bien qu’ici dans le Choul’han Arou’h, au 3ième paragraphe, Rabbi Yossef Caro écrive qu’on ne devient pas bassari, même les séfarades[15] suivent ce qu’il écrit dans son Beit Yossef et qui est cité ici par le Rama au §3 :

«On a maintenant l’habitude de ne pas manger de fromage après un met cuit avec de la viande tout comme après la viande elle même, et il ne faut pas changer et  »ouvrir une brèche dans la barrière » ».

On attendra donc six heures après avoir mangé cet œuf.

De même, on attendra six heures après avoir bu un bouillon de viande même sans en avoir avalé les morceaux. Ceci s’applique même à un bouillon de poulet.

Si on n’a pas l’intention de cuire l’aliment (comme des pâtes, par exemple) avec la viande mais qu’on le cuit dans une casserole dans laquelle de la viande a cuit auparavant sans avoir nettoyé la casserole, tout dépend :

– s’il y a une quantité de pâtes soixante fois plus importante que le reste de viande, on ne deviendra pas bassari et on pourra directement consommer du lait sans aucune contrainte ;

– par contre, si la quantité de pâtes n’est pas soixante fois plus grande, on entre dans une controverse :

– le Cha’h pense qu’on ne devient pas bassari bien que l’on puisse sentir le goût de viande en mangeant ces pâtes. C’est parce que, explique le Yad Yéhouda, on n’a pas l’intention d’y goûter mais que l’on n’a simplement pas pris la peine de bien nettoyer la casserole. Par conséquent, ces pâtes ne sont pas considérées comme un « aliment cuit avec de la viande » qui, lui, exige d’attendre avant de consommer des laitages[16].

Mais plusieurs A’haronim n’acceptent pas ce ‘Hidouch, nouvelle idée, du Cha’h.

Le Ben Ich ‘Hai fait le compromis suivant :

Il suffira d’attendre une heure et de se nettoyer la bouche et les mains (ces opérations seront développées plus loin) après avoir mangé ces pâtes.

Par conséquent, si on a mangé le pain qui reste d’un repas de viande et qui a été touché par des mains salles, il suffira d’attendre une heure et de se nettoyer la bouche et les mains.

Il en va de même d’un aliment coupé par un couteau de viande dont la lame est sale, qui a été déposé dans une assiette de viande sale ou dans lequel a été introduite une cuillère de viande sale.

Si on a frit de la viande dans de l’huile et que l’on a utilisé la même huile pour y frire des pommes de terre, même d’après le Chakh on se rendra bassari en mangeant ces pommes de terre car il y a une réelle volonté de frire les pommes de terre avec l’huile.

Quoi qui l’en soit, si, en mangeant l’aliment en question, on prête attention à détecter la saveur de viande et qu’on ne la sente pas, on ne deviendra pas bassari[17].

Des pâtes cuites dans une casserole propre dans laquelle de la viande a été cuite dans les dernières 24 heures :

Bien que, comme nous l’avons vu, la saveur de viande contenue dans un aliment neutre rende la personne qui la mange bassari, si la saveur n’est pas passée de la viande à l’aliment directement mais s’est d’abord introduite dans les parois d’une casserole pour ensuite être retransmise à l’aliment parvé (par le biais d’une cuisson par exemple), la personne qui l’aura mangé ne deviendra pas bassari pour autant[18]. En effet, c’est la notion de נותן טעם בר נותן טעם, donneur de goût fils de donneur de goût qui sera plus amplement expliquée au ch. 95 ; en substance, une saveur de viande ou de lait qui a été par deux fois absorbée, perd de sa teneur et par conséquent de son caractère carné. Ceci, si la casserole est totalement propre.

Aliment piquant cuit ou coupé par un ustensile bassari :

Rabbi Akiva Eiger, dans ses notes sur les propos du Rama §3, écrit que même si l’aliment que l’on a cuit dans la casserole est piquant (par exemple on a fait revenir des oignons dans une poêle de viande) et que par conséquent il soit interdit de le manger avec du fromage (comme nous le verrons au chapitre 95), il ne rendra pas pour autant la personne qui le mange bassari.

De même si l’on a mangé un oignon qui a été coupé par le biais d’un couteau de viande (propre), bien qu’on ne puisse pas le manger avec du lait (comme nous le verrons au chapitre 96), on ne deviendra pas bassari pour autant.

 

Définition de ce qui ne peut être ingéré lorsque l’on est bassari :

Une fois devenu bassari, on ne pourra même pas manger un aliment qui a été cuit avec du lait même après l’avoir rincé.

Peut-on manger des pâtes cuites avec du lait après avoir mangé des œufs cuits avec de la viande quand les deux ont été rincées ?

Comme nous l’avons vu plus haut l’habitude est de ne pas consommer des laitages même après un aliment qui a été simplement cuit avec de la viande.

Bien que le Rama n’interdise que de manger du fromage, l’habitude est également de s’abstenir de manger un aliment cuit dans du lait.

Peut-on manger un oignon, ou tout autre aliment piquant[19], qui a été coupé avec un couteau de lait :

– si le couteau est בן יומו, ben yomo, du jour même, c’est-à-dire qu’il a servi dans les dernières 24 heures pour couper, par exemple, du fromage chaud, on ne mangera pas cet oignon dans les six heures de la même manière qu’on ne peut pas le manger avec de la viande ;

– si le couteau est propre et n’est pas בן יומו, certains permettent (Yad Yéhouda et Maharcham) et d’autres interdisent (Badé Hachoul’han selon le Pri Mégadim).

Pour les Séfaradim, il est plus évident de permettre (comme nous le verrons au chapitre 96).

Le cas d’un aliment piquant cuit dans une casserole ‘halavi (par exemple, des oignons revenus dans une poêle de lait) est à assimiler au cas de l’oignon coupé avec un couteau ‘halavi.

Par contre, il est permis de cuire un aliment non piquant dans une casserole de lait même si celle-ci est בת יומא, bat yoma[20], avec l’intention de le manger immédiatement après[21] de la viande (nat bar nat).

Est-il permis de goûter à du fromage durant les six heures sans l’ingérer ?

A priori la réponse à cette question devrait dépendre de celle de savoir s’il est permis de goûter à un aliment qui n’est interdit que par ordre rabbinique. C’est un débat entre le Tséma’h Tsédèk et le Pri ‘Hadach, comme il l’a été développé à l’annexe du chapitre 87. Mais il se peut qu’ici tous soient d’accord que le simple fait de goûter soit permis et que l’interdit de consommer du lait après de la viande ne soit pas aussi grave que l’est d’habitude un autre interdit rabbinique et c’est ce qui ressort du commentaire du Yad Efraim. Par conséquent, on pourra goûter à du fromage.

Cas d’exceptions dans lesquels on n’aura pas à attendre six heures :

Nous verrons que, dans certains cas, il est possible de consommer du lait même sans avoir à attendre six heures. Mais il faudra tout de même procéder au קנוח והדחה, c’est à dire se nettoyer et se rincer la bouche, ainsi que se laver les mains et réciter le Birkat Hamazone[22].

Nous allons tout d’abord définir ces notions.

Nettoyage de la bouche :

Il se réalise par deux opérations, le קנוח et la הדחה.

קנוח :

Il s’agit de mettre un aliment en bouche et de l’y faire tournoyer afin de la nettoyer. Il n’est pas nécessaire de l’avaler, on peut ensuite le recracher. Mâcher un chewing-gum[23], par exemple, pourra servir deקנוח .

Il ne faut pas se servir d’aliments qui collent aux gencives, comme une datte par exemple, car ils entrent difficilement en contact avec toutes les parties de la bouche.

הדחה :

Il s’agit de se rincer la bouche avec un liquide ou bien de boire quelque chose.

L’ordre dans lequel on procède à ces deux opérations est sans importance.

Il est évident que le brossage des dents peut jouer le rôle de קנוח והדחה.

Lavage des mains :

Même si on considère que ses mains ne sont pas sales, il faudra se laver la moitié des doigts jusqu’à la deuxième phalange et la moitié du pouce à l’eau froide (à l’exclusion d’eau chaude ou d’un autre liquide[24] même froid).

Évidemment, si on constate qu’une plus grande partie de la main est sale, il faudra la laver.

On peut le faire sous un robinet d’eau (un כלי, un ustensile, n’est pas nécessaire), ou en se frottant les doigts dans de l’eau.

Il n’y a pas de bénédiction à prononcer lors du lavage des mains.

Même dans le cas où on a mangé la viande avec des couverts et que l’on ne l’ait pas touché avec ses mains, il sera bon de se les laver. Mais si on n’a pas d’eau à disposition, ce ne sera pas nécessaire.

En plein jour, ou même la nuit si on dispose d’une bonne lumière, et que l’on n’ait pas d’eau à portée de main, il suffira d’examiner si ses mains sont propres.

Une personne qui, après avoir manipulé de la viande, veut cuisiner du fromage, ou après avoir servi (avec ses propres mains) à un enfant du fromage veut servir à l’autre (toujours à main nue) de la viande, devra se laver les mains entre chaque opération si celles-ci se sont salies par la viande ou le fromage. Certains[25] exigent de le faire même dans le cas où elle n’est pas certaine que ses mains se soient sales.

Birkat Hamazone, bénédiction après un repas :

Si on a mangé de la viande en dehors d’un repas de pain, il faudra réciter la ברכה אחרונה, brakha a’harona, dernière bénédiction, c’est-à-dire la bénédiction après avoir mangé de la viande[26].

Dans le cas où on a mangé moins que la quantité de pain ou de viande qui nécessite une bénédiction, il suffira de débarrasser la table et de ne plus avoir l’intention de manger de ce qu’on a mangé en premier lieu ou même de dessert.

Dans les cas où, hormis la bénédiction, il faille aussi attendre une heure, peu importe si cette bénédiction est récitée avant, pendant ou après l’heure.

Nous allons maintenant voir les cas dans lesquels on pourra se contenter de moins de six heures.

Cas d’un malade :

Le ‘Hokhmat Adam permet à quelqu’un d’un peu malade (comme par exemple ayant des brûlures d’estomac) qui doit se nourrir de produits laitiers pour favoriser sa guérison, de le faire après une heure, à la condition qu’il se cure les dents, qu’il se nettoie la bouche et les mains[27], et qu’il ait auparavant récité le Birkat Hamazone. S’il lui est difficile d’attendre même une heure, il pourra immédiatement consommer le laitage après toutes les actions précitées.

Un malade plus conséquent, comme par exemple un diabétique qui est soumis à régime rigoureux, n’aura même pas besoin d’attendre une heure. Il pourra immédiatement prendre du laitage, s’il en a le besoin, après avoir réalisé les actions précitées (Badé Hachoul’han page 59).

Qu’en est-il pour un malade séfarade alors que le ‘Hokhmat Adam s’appuie sur le minhag de n’attendre qu’une heure rencontré au sein du monde ashkénaze. Mais que disent sur la question les décisionnaires séfarades qui suivent ici Rabbi Yossef Caro ?

Le Caf ‘Ha’haim, qui est censé indiquer la coutume séfarade, reprend cette permission sans ne faire aucune remarque. Il nous faut expliquer que même si Rabbi Yossef Caro choisi de rapporter l’avis du Rambam, il ne faut pas considérer la question comme tranchée. L’autre avis a toujours une place[28].

Une femme qui vient d’accoucher et qui ressent le besoin de prendre des laitages, est, de manière certaine, considérée comme une personne malade jusqu’à trente jours après l’accouchement. Il se peut même qu’il en soit ainsi durant toute sa grossesse et la période d’allaitement[29].

Cas d’un enfant :

Un enfant est, aux yeux de la Hala’ha, assimilé à une personne d’un peu malade de par sa fragilité[30]. Par conséquent, s’il doit manger et qu’il n’accepte pas autre chose qu’un produit laitier, il pourra en manger à partir d’une heure après s’être nettoyé la bouche et les mains (et s’il est en âge de réciter le Birkat Hamazone ou la Bra’ha A’harona, il le fera).

Entre dans cette catégorie tout enfant jusqu’à l’âge de neuf ans, pour un enfant de bonne constitution, et jusqu’à dix enfant pour un enfant plus fragile[31]. A partir de cet âge il devra attendre six heures comme un adulte.

Si un père ou une mère voit son enfant s’apprêter à consommer du lait après de la viande avant, par exemple, de s’être nettoyer la bouche et les mains, ils devront l’en dissuader.

Si l’enfant est encore trop petit pour comprendre, ce qui est vrai pour un enfant jusqu’à à peu près l’age de deux à trois ans[32], il ne sera pas nécessaire de l’en empêcher.

Si l’on doit coucher un enfant en bas age après un repas de viande et qu’il ait besoin d’un biberon de lait, il sera permis de le lui donner même immédiatement. Si c’est possible, il faudra le faire manger et lui faire boire quelque chose, ainsi que lui laver les mains.

Mâcher pour ensuite recracher :

Comme nous l’avons vu d’après Rachi, l’attente des six heures est due aux renvois de viande qui se dégagent de l’estomac pendant tout ce temps là. C’est pourquoi, écrit le Tur, si on n’a fait que mâcher la viande sans l’ingérer, par exemple pour que son enfant puisse plus facilement la manger, il ne sera pas nécessaire d’attendre puisqu’il n’y a évidemment pas de renvois.

Cependant, étant donné que d’après Maimonide, dans ce cas aussi, de la viande risque de se coincer entre les dents, on devra prendre en compte son point de vue[33].

Mais faut-il, là aussi, attendre six heures ?

A ce sujet, Rabbi Akiva Eiger relève un mot apparemment en trop dans la dernière phrase du Rama citée plus haut :

« …et certains sont soucieux d’attendre six heures après avoir mangé de la viande pour prendre du fromage… »

Pourquoi ne pas avoir écrit plus simplement « après de la viande », cela aurait fait l’économie des mots « après avoir mangé » ?

Mais c’est que le Rama est très précis : même si on veut se soucier de l’avis d’après lequel il faille attendre six heures, ce n’est que après avoir ingéré la viande, mais pas si on n’a fait que la mâcher pour ensuite la recracher, étant donné que d’après Rachi il est permis de manger ensuite du fromage dans ce cas là sans aucune contrainte.

Il sera donc autorisé dans ce cas de prendre du fromage après avoir attendu une heure[34] sans oublier de s’être nettoyer la bouche, les mains et avoir récité le Birkat Hamazone.

Ceci est valable pour les Ashkénazim, mais pour les Séfaradim pour lesquels l’opinion des six heures est prépondérante, même dans le cas où n’a fait que mâcher, il faudra attendre les six heures[35].

Si on n’a simplement mis la viande en bouche sans la mâcher, par exemple pour la refroidir, il ne sera pas nécessaire d’attendre. Il suffira de se nettoyer la bouche ainsi que les mains.

Si par mégarde on a récité une bénédiction sur du fromage :

Il s’agit du cas où, immédiatement après avoir récité la bénédiction sur du fromage avant même d’y avoir goûté, on se rappelle être bassari tout en s’étant lavé les mains et avoir récité la bénédiction finale ; on suppose aussi qu’après avoir fini de manger de la viande, on a mangé un aliment parvé et bu une boisson[36]. On pourra alors un peu du fromage afin que la bénédiction n’ait pas été prononcée en vain.

Incertitude si les six heures sont déjà passées :

Si on ne sait pas si six heures sont déjà passées depuis que l’on a terminé de manger de la viande, est-il nécessaire d’attendre l’heure à laquelle on sera certain qu’elles le soient ?

On ne peut pas permettre à titre de ספק דרבנן לקולא, un interdit rabbinique est permis dans le doute, comme l’écrit le Yad Yéhouda, car il est possible d’attendre l’heure à laquelle l’on sera certain que les six heures soient passées pour que le doute tombe. C’est le principe de דבר שיש לו מתירין, une chose qui a une permission. C’est pourquoi il interdit à cette personne de consommer du lait tant qu’elle n’est pas sûre que soient bien passées les six heures.

En réalité, il y a dans notre cas plus qu’une seule incertitude. Il y a un ספק ספיקא un doute sur un doute quant au fait d’interdire : Peut-être bien que Rabénou Tam et Tossefot détiennent la vérité et qu’il ne faille donc pas absolument attendre six heures. Et même si c’est Rambam qui a raison, peut-être bien que les six heures soient en réalité révolues.

Nous rentrons alors dans un débat : un ספק ספיקא peut-il permettre un דבר שיש לו מתירין , c’est-à-dire un cas où, avec un peu de patience, il est possible de jouir d’une chose d’une manière totalement permise ?

Rabbi Y. Caro au chapitre 110 § 7 pense que c’est le cas. Tandis que le Rama au paragraphe 8 écrit qu’il est bien de se montrer rigoureux sauf en cas de besoin. Le Chakh va même jusqu’à se demander s’il ne faudrait pas se montrer strict tant qu’il n’y a pas de grande perte financière.

Les Séfarades suivent Rabbi Y. Caro sur ce point. Voir Caf Ha’haim idem. אות קל »ב. On peut donc autoriser à un juif séfarade[37] de manger ‘halavi avant même d’être sûr que les six heures soient passées.

Le Badé Hachoul’han donne une autre raison d’autoriser, même pour les Ashkénazes :

Pour les Ashkénazes, l’attente des six heures ne relève finalement que d’une ‘houmra, une simple attitude de rigueur. Il est logique qu’ils n’aient pris sur eux cette ‘houmra que dans le cas où cela ne fait pas de doute que les six heures ne sont pas déjà écoulées.

Bien que, comme nous l’avons rapporté, le Yad Yéhouda se montre rigoureux à notre sujet, celui qui désire se montrer permissif aura sur qui s’appuyer.

En tout état de cause, il faudra prêter attention à l’heure à laquelle on termine de manger la viande et ne pas d’emblée compter sur un doute ou un ספק ספיקא (voir Taz Yoré Déa 122,8).

Que faire si l’on a, par erreur, commencé à manger du laitage ?

Le Caf Ha’haim rapporte un laxisme assez inattendu, au nom de certains décisionnaires, qui permet, dans le cas où, par erreur, on aurait commencé à manger du fromage dans les six heures, de pouvoir terminer sa bouchée sans avoir besoin de la recracher[38]. En effet, l’interdit n’est pas si grave.

Pour la même raison, on n’aura pas besoin de jeûner pour avoir transgressé par erreur cet interdit contrairement aux autres interdits rabbiniques. Cependant, le silence du reste des décisionnaires sur cette question porte à dire qu’ils ne sont pas du même avis. Quoique qu’il en soit, en situation de gêne, il est évident que l’on pourra terminer sa bouchée sans avoir à la recracher devant d’autres personnes.

Manger de la viande après du fromage :

Il n’y a pas de temps d’attente à observer après avoir consommé du lait ou même du fromage[39] pour pouvoir prendre de la viande, puisque les raisons qui motivent l’attente après la viande ne concernent ni le lait ni le fromage.

Il faut par contre procéder au nettoyage de la bouche et au lavage des mains comme expliqué plus haut.

Cependant, si on a mangé de la viande de volaille qui n’est interdit que par ordre rabbinique, le Talmud[40] ne l’exige pas, comme l’écrit Rabbi Y. Caro.

Mais le Rama écrit qu’on a l’habitude de se montrer plus sévère que ne l’est le Talmud et qu’il faille procéder au nettoyage même après de la volaille.

Ceci est valable pour les Ashkénazes.

Pour les Séfarades, ils pourront s’appuyer sur l’avis de Rabbi Y. Caro, sauf une communauté qui a également l’habitude de se montrer sévère à ce sujet[41].

Il ne sera pour autant pas nécessaire de réciter le Birkat Hamazone. On pourra même manger la viande au même repas dans lequel on a mangé le fromage. Il faudra tout de même ne pas manger sur la même surface. Voir fin du chapitre 88.

Au-delà de la lettre de la loi, le Zohar, quant à lui, se montre sévère vis-à-vis de celui qui consommerait de la viande et du lait dans la même heure ou bien dans le même repas.

C’est pourquoi Rabbi Y. Caro dans son Beit Yossef écrit qu’il est « bon et juste » de ne pas manger de viande, même du poulet[42], après avoir consommé du lait au même repas[43] (même après une heure) ou bien dans la même heure (même en dehors du repas de lait)[44]. Certains, afin de traduire en pratique la pensée du Zohar, ont l’habitude d’attendre une demi-heure.

Dentiers et plombages :

Peut-on garder le même dentier pour manger du lait et de la viande ? Les plombages posent-ils un problème ?

Les décisionnaires donnent plusieurs raisons pour permettre de garder le même dentier. Celles-ci peuvent aussi expliquer pourquoi les plombages ne représentent eux non plus un problème.

  • 1) Il se peut que si l’on est capable de mettre en bouche un aliment chaud, cela prouve qu’il n’a pas atteint le degré de température à partir duquel il puisse être absorbé dans le dentier ou le plombage, c’est-à-dire yad soledet bo.
  • 2) De plus, l’aliment a presque toujours déjà été transvasé du kéli richon à un kéli chéni, et d’après une partie des décisionnaires il n’y a plus d’absorption possible.
  • 3) Même si l’on prend en compte l’avis d’après qui un kéli chéni peut provoquer une absorption, certains[45] considèrent que pour qu’il y en ait une, l’aliment doit rester en contact avec l’absorbant un certain temps. Par conséquent, au moins dans le cas d’une boisson que l’on ne garde pas en bouche et que l’on ingurgite immédiatement, il n’y a pas le temps pour que se produise une absorption.

En ce qui concerne nos propres dents, on peut encore ajouter un élément : il n’est pas évident que l’émail puisse absorber, comme c’est le cas pour le verre d’après certains décisionnaires.

[1] Car l’attaque salivaire dégrade la viande à telle point que celle-ci perd son statut carné. Une contradiction apparente ressort à la section Ora’h ‘Haim 467,16 où le Tur écrit qu’une graine de blé ‘hamets, fermentée, trouvée dans le jabot d’un poulet, ne perd pas à cause de la digestion son statut de ‘hamets. Or, ici, la salive suffit à retirer le caractère carné des bouts de viande coincés entre les dents !

On peut résoudre la contradiction ainsi : une fois interdite à la consommation pour pessa’h, la graine de blé ne peut redevenir permise par la simple digestion ; tandis que la viande, elle, n’est pas encore interdite et par conséquent la dégradation qu’elle subit peut empêcher l’interdit de בשר בחלב de se créer par la suite en rencontrant un produit laitier ; c’est pourquoi, l’interdit rabbinique d’avaler ensemble de la viande et du laitage même sans qu’il aient cuit ensemble n’a pas lieu d’être.

[2] Chakh au nom du Maharchal.

[3] A l’époque, l’habitude était de prendre deux repas par jour, un le matin et un le soir.

[4] Il s’agissait de tables posées sur des sortes de tréteaux que l’on dressait et retirait à l’occasion des repas.

[5] Ceci sera explicité plus en détail par la suite.

[6] Le Rama, comme nous le rapporterons plus loin, a, pour sa part, compris que, pour Rabénou Tam, Mar Oukba attendait réellement un certain temps pour manger du fromage.

[7] Pas tout à fait. Rambam précise « כשש שעות, à peu près six heures ». C’est peut-être là l’origine de l’habitude qu’ont certaines communautés de se suffire d’entrer dans la sixième heure, c’est-à-dire attendre cinq heures, ou qu’ont d’autres d’attendre cinq heures et quart ou encore cinq heures et demi. Mais rabbi Y. Caro omet le כ »ף, kaf, de כשש.

[8] Bénédiction après un repas.

[9] D’après l’explication qui suit il nous faut dire qu’il est aussi nécessaire de se laver les mains.

[10] Cette démarche n’est pas propre au Rama, et on la suit lorsqu’on n’arrive pas à trancher entre deux opinions qui ne diffèrent pas foncièrement par le degré de contraintes qu’elles impliquent. Ainsi, on ne peut pas appliquer dans ce cas ספק דרבנן לקולא, un interdit rabbinique est levé en cas de doute.

[11] Dans certains milieux non orthodoxes, le minhag d’attendre six heures a été abandonné il y a deux ou trois générations. Il se pourrait fort bien que leurs descendants, qui eux sont plus respectueux de la Halakha, aient le devoir de reprendre le minhag de leurs ancêtres.

[12] Très étonnement, on ne trouve pratiquement aucune trace de ce minhag dans la littérature halakhique (même allemande, en tout cas jusqu’au 19ième siècle). Certains suggèrent que ces trois heures correspondent au laps de temps qui, dans les milieux bourgeois allemands, séparaient les collations des repas.

[13] A rappeler que le Rama a déjà écrit qu’il est juste d’attendre six heures bien que l’on n’en n’ait pas le minhag. En tout état de cause, un ben Torah devra prendre sur lui la ‘houmra d’attendre six heures (voir le Taz au nom du Maharshal). Qu’appelle t’on un ben Torah, littéralement « fils de la Torah » ? Certains donnent la définition suivante : il s’agit d’un homme qui profite de chacun de ses moments libres pour étudier la Torah.

 

[14] En effet, on considère que la saveur de viande a traversé la coquille de l’œuf et ainsi on ne peut pas le manger avec du lait, comme l’écrit le Choul’han Arou’h Yoré Déa 95,2. Preuve en est que, lorsqu’on fait cuire un œuf dans un ragoût, puis que l’on enlève sa coquille, même si celle-ci ne s’est pas fêlée pendant la cuisson, on découvre que l’œuf n’est pas blanc mais marron !

 

[15] Voir ici Caf Ha’haim.

[16] Il sera par contre interdit de le consommer avec des laitages..

[17] En effet, étant donné que n’est en jeu qu’un interdit rabbinique, on peut faire confiance à la compétence de notre goût même à notre époque (cf. Badé Hachoul’han sur Yoré Déa 98,§8). Il sera cependant interdit de mélanger l’aliment avec du laitage afin de consommer l’ensemble (Badé Hachoul’han 96 §15).

[18] Rama §3.

[19] Nous définirons l’ « aliment piquant » au chapitre 96, si D. veut.

[20] Féminin de בן יומו ; c’est-à-une casserole dans laquelle du lait y a cuit dans les dernières 24 heures.

[21] Le faire avec l’intention de le manger en même temps que de la viande est interdit, comme nous le verrons au chapitre 95, si D. veut.

[22] Nous verrons ensuite que ces opérations devront être réalisées également dans le cas où l’on veut manger de la viande après avoir consommé du lait, du moins pour ce qui est du nettoyage de la bouche et des mains.

[23] Nous avons pris l’exemple du chewing-gum car pour un autre aliment il faudra de toute façon l’ingérer pour ne pas transgresser l’interdit de הפסד אוכלים, abîmer de la nourriture.

 

[24] Si on ne dispose pas d’eau on pourra se servir d’un autre liquide.

[25] Le Cha’h à l’opposé du Rama, à la fin du paragraphe 3.

[26] La bénédiction commençant par Boré néfachot.

[27] Bien qu’il ne mentionne pas le קנוח והדחה, il est évident qu’il le réclame puisqu’il exige même de se curer les dents, opération qui n’est pas exigée même par Rabénou Tam. C’est parce que nous avons l’habitude d’attendre six heures (comme il l’écrit au même paragraphe) que, par précaution, il ne veut pas permettre à un malade de se suffire d’une heure sans faire tout son possible afin d’éviter un accident. Cela explique aussi pourquoi le malade doit procéder au קנוח והדחה alors que le ‘Ho’hmat Adam, plus haut dans le même paragraphe, pense que ceux qui avaient l’habitude de n’attendre qu’une heure n’avaient pas besoin de procéder au קנוח והדחה.

[28] Peut-être même que Rabbi Y. Caro lui-même permettait à un malade de ne pas attendre six heures.

[29] Rav Yossef ‘Haim Zonnenfeld, Salmat ‘Haim סימן רפ »ו.

[30] Voir Choul’han Arou’h Ora’h ‘Haim 228,17.

[31] Jusqu’à cet âge il est dangereux de limiter la nutrition d’un enfant, comme il apparaît au Choul’han Arou’h Ora’h ‘Haim chapitre 616 (Badé Hachoul’han).

[32] חינוך הבנים למצוות de Rav Y. Neuwirt, page 30.

[33] Voir note 10. L’explication en réponse à la question de savoir pourquoi n’invoque-t-on pas ספק דרבנן לקולא s’applique aussi ci. En effet, on ne peut pas permettre ce cas plus que le cas où de la viande est restée après six heures qui devrait être permis par le Rambam.

[34] Il est a noté que déjà auparavant, lorsque le Rama rapporte le minhag général en vigueur à son époque de n’attendre qu’une heure, il emploie la même expression « …et l’habitude répandue dans nos régions est d’attendre une heure après avoir mangé de la viande ». Pourquoi Rabbi Akiva Eigher n’en n’a t’il pas déduit qu’après avoir simplement mâché, même attendre une heure n’est pas nécessaire ?

Mon compagnon d’étude A.E. m’a expliqué qu’il faut comprendre ainsi l’allusion que glisse le Rama à travers ces mots : le minhag est de ne pas attendre six heures mais qu’une heure (contrairement à ce que Rabbi Yossef Caro a écrit auparavant), non seulement après n’avoir que mâché la viande mais même après l’avoir ingéré.

[35] Voir Caf Ha’haim.

[36] Ces deux actions tiennent lieu de קנוח והדחה.

[37]ספיקות Bien qu’un des soit à l’encontre de l’avis de Rabbi Y. Caro, même les séfaradim peuvent l’associer à un autre doute pour obtenir un ספק ספיקא. Peut-être même que Rabbi Y. Caro lui-même aurait réfléchi à un tel ספק ספיקא. Voir Caf Ha’haim Yoré Déa 110,4.

[38] Il nous semble que c’est dans cette mesure qu’il faut comprendre les mots du Caf Ha’haim et non pas de pouvoir terminer son repas de lait, ce qui est totalement illogique.

[39] Si le fromage est dur, les Ashkénazes s’abstiennent de manger de la viande, même de volaille, pendant six heures comme l’écrit le Rama au paragraphe 2, soit parce qu’il laisse du goût en bouche, soit parce que des morceaux risquent de rester coincés entre les dents (certains voient dans le Zohar une base à ce Minhag).

L’exemple de fromage dur, donné par les décisionnaires, est un fromage qu’on a laissé affiner au moins durant six mois (comme la plupart des Beauforts).

En ce qui concerne les Séfarades, le Ben Ich ‘hai témoigne qu’à Bagdad on attendait six heures, mais qu’à Jérusalem on n’attendait pas du tout. Chacun devra donc se conformer aux minhag de ses ancêtres.

 

[40] Au traité ‘Houlin 104b.

[41] Voir Caf Ha’him.

[42] Nous n’avons pas compris comment Rabbi Y. Caro tire du Zohar l’interdiction de manger aussi du poulet.

[43] Il faudra donc réciter le Birkat Hamazone.

[44] Voir encore à ce sujet ce qu’écrit le ‘Hida dans

ברכי יוסף (שיורי ברכה אות י »ג) יו »ד פט,ב.

[45] Voir פתחי תשובה קה,ח .

Voir l'auteur

“lois concernant la viande et le lait, chapitre 89 de Yoré Déa”

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