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Le Birobidjan, histoire d’un Etat juif oublié, par Robert Weinberg (éditions Autrement)

par: Benjamin Bittane

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Quand on entend Birobidjan, on pense à une province Ouzbek, ou Kazakhe, alors qu’en réalité, il s’agit de la « Sion communiste ». Quand on entend Birobidjan, on pense à une province Ouzbek, ou Kazakhe, alors qu’en réalité, il s’agit de la « Sion communiste ». En effet, en 1934, le gouvernement soviétique décide de créer de toute pièce une région autonome juive (RAJ), et de l’implanter au Birobidjan, territoire extrême orientale presque désert à près de 5 000 kilomètres de Moscou.

Ce livre trace l’histoire de cette province, les raisons des soviétiques, les moyens mis en œuvre (le yiddish est la langue officielle de cette province, par exemple). Pourquoi ce projet n’a pas remporté de succès auprès des masses juives russes, qui étaient à cette époque, la communauté juive la plus importante du monde ?
A titre personnel, deux éléments ont attiré mon attention.

– Tout d’abord, le concept de nation dans l’URSS stalinienne avant 1936, date à partir de laquelle Staline lance ses grandes purges. Avant 1936, l’URSS menait une politique de reconnaissance des nations qui composaient son territoire. Chacune des nations, ethnies présente sur le sol communiste russe, avait la possibilité d’avoir une terre, où les spécificités propres de ces particularismes étaient pris en considération, si, bien sur, elles étaient teintées de propagande communiste. Dans le cas de RAJ, il existera par exemple, des traductions en yiddish des livres de Lénine, le théâtre yiddish classique sera mis à la sauce socialiste. Ce concept voulant que chaque nation a le droit à son territoire, n’est rien d’autre selon Yakov M. Rabkin [[Yakov M. Rabkin Au nom de la Torah, une histoire de l’opposition juive au sionisme, Les presses de l’Université Laval, 2004]], que la base même du sionisme. Le sionisme pour cet historien canadien n’est rien d’autre qu’un nationalisme russe avec quelques références bibliques. Ce type de nationalisme est exactement le même que celui voulu par les autorités soviétiques lors de la création de la RAJ.

– Un second point, m’a particulièrement interpellé. A partir de 1936, Staline fait arrêter, et envoyer au goulag, la plupart des dirigeants, artistes, journalistes de la RAJ. La raison étant que Staline ne veut plus mener une politique de spécificité ethnique car selon lui, elle recroqueville ces individus vers leur culture au détriment de l’idéologie communiste. De ce fait, vont être prises des mesures drastiques : suppression des écoles yiddish, du birobidjanner shtern (le journal local), etc… Tout ce qui faisait la spécificité du Birobidjan, comme région autonome juive est arrêté. Les dirigeants communistes qui sont sur place et qui mènent ces mesures et cette propagande sur place, visent en particulier les femmes, nous dit l’auteur du livre. Pourquoi ? Car, elles ont plus de difficulté que les hommes à perdre leurs spécificités juives. Elles pratiquent en cachette, elles continuent à parler le yiddish, au lieu de parler le Russe, etc.

Cette non soumission des femmes, me renvoie à un élément de mes études talmudiques actuelles. En effet, dans le traité Méguila 4a, le talmud discute de savoir si la femme a l’obligation de la lecture de la Méguila. Le texte a l’air de dire en première lecture, que c’est le cas. Sur ce point, se trouve deux commentaires des Tossaphistes, et l’un d’eux Rashbam (Rabbi chemouel ben Meïr) nous dit que les femmes sont à l’origine même de trois miracles qui sont arrivés au peuple juif : Pourim par Esther, H’anouka avec Yéhoudith, et enfin Pessah’ par le mérite des tsadkaniyoth (justes). Ces trois événements ont pour point commun, qu’ils viennent clôturer des moments sombres de l’histoire où certaines civilisations, ont voulu détruire, annihiler, assimiler les juifs.

On ne peut pas ne pas voir ici un lien, avec ces femmes russes birobidjanes, qui avaient plus de mal que les hommes à renoncer à leur identité juive, comme si, l’attachement, et la difficulté de renoncement à ses traditions étaient beaucoup plus constitutifs de la femme que de l’homme.

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