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La Techouva selon Betsalel

par: Rav Raphaël Bloch

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La Guemara Berakhot 55a enseigne :

« Rabbi Shmouel fils de Na’hmani dit au nom de Rabbi Yonathan : Betsalel se prénomme ainsi par sa sagesse.

La Guemara Berakhot 55a enseigne :

« Rabbi Shmouel fils de Na’hmani dit au nom de Rabbi Yonathan : Betsalel se prénomme ainsi par sa sagesse. Lorsque le Saint Béni Soit-Il dit à Moshé : va et parle à Betsalel, qu’il fasse le Tabernacle, l’arche et les ustensiles, Moshé alla dire à Betsalel dans l’ordre inverse, qu’il fasse l’arche, les ustensiles et le Tabernacle. Betsalel lui répondit : Moshé, notre maître, depuis toujours l’homme construit sa maison, et seulement ensuite y fait entrer ses ustensiles, et tu me dis de faire l’arche et les ustensiles avant le Tabernacle, mais où les ferai-je entrer ? Peut-être le Saint Béni Soit-Il t’a-t-il dit : le Tabernacle, l’arche et les ustensiles ? Moshé lui répondit : (c’est juste) étais-tu à l’ombre de D.ieu pour que tu le saches ?
Rav Yehouda au nom de Rav dit : Betsalel savait associer les lettres avec lesquelles ont été créés le ciel et la terre (…) »

A maintes reprises, nos Sages ont enseigné que la parole divine devait être traduite par le prophète en fonction de la réalité humaine. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner du fait que Moshé ait « traduit » l’ordre dans lequel devaient être fabriqués le Tabernacle et les ustensiles. Pour autant, il est étonnant que Moshé ait compris un ordre inversé, alors que la remarque de Betsalel relève du bon sens le plus élémentaire. Et malgré cette apparente évidence, Moshé trouve la réplique de Betsalel si extraordinaire qu’il ne voit pas comment ce dernier a pu deviner la parole divine, si ce n’est en se trouvant à l’ombre de D.ieu (c’est précisément le sens du mot Betsalel, composé de deux parties : Betsel, « à l’ombre », El, « D.ieu »).

Il semble donc que Moshé et Betsalel avaient deux conceptions totalement différentes du rôle du Tabernacle et de ses ustensiles.

Au début de la parasha suivante, Vayakhel, Moshé rassemble toute la communauté et leur enseigne la Mitsva de Shabbat et celle de la mise en œuvre du Tabernacle. Rashi nous précise que cela eut lieu dès le lendemain de Yom Kippour, jour du don des deuxièmes tables de la Loi (on se rappelle que les premières avaient été brisées suite à la faute du veau d’or). Le Ramban explique le lien entre ces deux événements : c’est justement maintenant, lorsque D.ieu a pardonné au peuple juif, qu’Il leur a donné de nouvelles tables, qu’Il a conclu une nouvelle alliance, qu’Il réside de nouveau parmi eux, c’est alors que Moshé leur enjoint de construire le Tabernacle, ordre que D.ieu lui avait donné avant qu’il ne brise les premières tables.
Nous sommes donc à l’aube d’une reconstruction, une nouvelle réalité s’impose : tout est à refaire. Par quoi commencer ? Dans l’esprit de Moshé, le Tabernacle représentait l’espace dans lequel s’effectue le service de D.ieu, et les ustensiles l’ouvrage humain. Or la faute du veau d’or correspond à un échec dans la manière de se servir des moyens mis à notre disposition pour servir D.ieu [[Pour beaucoup de commentateurs, le veau d’or n’était pas réellement de l’idolâtrie]]. Il fallait donc commencer à réparer en fabriquant de nouveaux ustensiles.

Betsalel, quant à lui, avait une autre vision de la teshouva. Lorsque D.ieu révèle à Moshé les treize attributs de miséricorde, il dit : Hashem, Hashem, D.ieu compatissant, miséricordieux, lent à la colère, plein de générosité etc.
Les deux premiers attributs sont donc le Nom divin répété deux fois. Rashi commente : « Je suis D.ieu avant que l’homme ne faute, Je suis D.ieu après que l’homme a fauté. » Il ressort donc que le deuxième nom est celui qui s’applique à la teshouva, et reste de manière étonnante identique au premier.
Rav Yitz’hak Hutner explique de la manière suivante : « D’ici nous voyons que la force de la teshouva ne peut s’exprimer par des mots ou une association de mots qui ont une traduction ou un sens dans d’autres circonstances, ainsi qu’il en est pour les autres attributs. La force de la teshouva s’exprime seulement par le nom de D.ieu, ‘Hashem’, qui ne peut être traduit, et ne peut s’associer qu’à D.ieu. D’ici nous apprenons que la force de la teshouva n’est pas une force comme les autres forces qui dirigent le monde. C’est l’expression même d’une réalité nouvelle, car le sens le plus simple du nom ‘Hashem’ est le suivant : ‘Celui qui donne naissance (fait naître) la réalité, et qui à chaque instant la renouvelle ex nihilo.’ Puisqu’il n’y a pas d’autre expression pour la teshouva, c’est donc que la teshouva est une deuxième création. »

C’est ainsi peut-être que Betsalel concevait la réalité du peuple juif au lendemain de Yom Kippour, jour de pardon, jour du don des deuxièmes tables. Une nouvelle réalité n’est pas une reconstruction, elle est identique à la première, de même que le nom de D.ieu est identique avant que l’homme ne faute et après qu’il a fauté. Il faut donc commencer comme pour la première création du monde par constituer l’espace qu’est le Tabernacle, et ensuite seulement les ustensiles.[[On doit néanmoins garder à l’esprit que ce nom, « Hashem », est celui réservé à une teshouva complète. Le Maharal enseigne que l’attribut « vénaké » est celui qui correspond à une teshouva partielle. Dans ce dernier cas, il n’y a pas de réalité nouvelle.]]

Il est possible que cette capacité qu’a démontrée Betsalel de cerner jusqu’où peut aller la force de la teshouva en tant que nouvelle création ait fait dire à nos Sages : « Betsalel savait associer les lettres avec lesquelles ont été créés le ciel et la terre. »

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