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Devarim : Quelle conquête de la terre d’Israël ?

par: Jérôme Bénarroch

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Après les 40 ans d’errance dans le désert, les enfants d’Israël s’apprêtent à entrer dans la terre de Canaan, pour la conquérir. Après les 40 ans d’errance dans le désert, les enfants d’Israël s’apprêtent à entrer dans la terre de Canaan, pour la conquérir. Cela constitue l’aboutissement de la promesse de D. aux patriarches, et peut-être du projet divin, que la vie de Tora soit vécue sur terre.

Moché doit alors s’adresser à tout Israël, avant de les laisser entrer seuls, sans sa protection, pour leur délivrer le sens ultime de leur trajet, le reformuler, tel qu’enrichi par l’expérience inouïe du désert.

Or, plusieurs éléments sont d’emblée frappants :

1. Moché commence par énumérer par allusion les différents épisodes où Israël a fauté devant D., mais ni tous les épisodes, ni dans l’ordre chronologique.

2. Son discours prend comme point de départ explicite la parole de D. au Horeb, et en construit la liaison intime avec la venue dans la terre promise : en trois jours ils ont pu aller du Horeb à Kadesh-Barnéa.

3. Moché insiste particulièrement sur la faute pour laquelle ils ne sont pas entrés directement, mais ont tourné 38 ans de plus « autour du mont Séïr »(Rachi): la faute des explorateurs.

4. Puis Moché retrace les guerres menées autour du mont Séïr, pour le contourner, contre Si’hon et Og, en expliquant dans le détail quel peuple devait, ou ne devait pas, être attaqué par Israël.

5. Et la paracha se termine pour reprendre ensuite sur un autre sujet, la réélaboration de la révélation de la Tora.
Il apparaît que l’accent est mis sur une chose : Moché veut rendre compte du sens de la faute principale qui a eu pour conséquence cette errance de 40 ans et peut-être l’oubli du sens de l’entrée dans la terre :la faute des explorateurs.

Les explorateurs et le mont Seïr

Or, deux éléments sont indiqués ici pour mettre en lumière cette faute aux yeux de la nouvelle génération.

1. Chap.II-16 « lorsque tous les hommes de guerre eurent été exterminés », c’est la génération des explorateurs.

2. La place centrale du mont Séïr, lieu de conquête des descendants d’Essav, que D. lui a reservé.
Rachi, Chap.II-1 « S’ils n’avaient pas péché, ils seraient passés par le mont Séïr, pour entrer dans le pays ».
Et Rachi Chap.I-8 « S’ils n’avaient pas envoyé d’explorateurs, ils n’auraient pas eu besoin d’armes ».

L’obstacle d’Essav, qui vient s’interposer entre le Horeb et l’entrée dans le pays, est donc dû à la faute de ces hommes de guerre.

Or, quelle était la faute des explorateurs ? Avoir regardé de la terre sa nudité, en tant que figée dans son objectivité fascinante, les géants, les villes fortes, le risque de mourir. Ainsi nous comprenons le lien entre ce regard et leur caractérisation comme hommes de guerre qui paraissait étonnante, puisque précisément ils ont eu peur de faire la guerre : la captation imaginaire de leur vision sur la violence, la mort. Une jouissance de l’effroi.

Les 40 ans d’errance autour d’Edom et les victoires miraculeuses sur Si’hon et Og servent d’apprentissage de ce que doit être le regard sur la terre.

Or, Moché vient rappeler que la conquête n’a rien à voir avec cette jouissance. Conquérir n’est ni avoir peur de la violence objective, ni vouloir se confronter à cet effroi. Car c’est D. qui devait combattre. C’est la raison pour laquelle Essav s’interpose, car Essav représente ce goût du sang. Les 40 ans d’errance autour d’Edom et les victoires miraculeuses sur Si’hon et Og servent d’apprentissage de ce que doit être le regard sur la terre. Une sorte de regard aveugle, et savoir que l’entrée dans le pays doit être vécu en terme d’accomplissement de l’absolu de la Tora.

L’asservissement par Edom doit nous délivrer de la fascination pour la guerre objective. Nous savons que lorsque Israël étudie la Tora, Essav n’a pas de prise sur lui.

Si Israël conquiert la terre en tant qu’accomplissement de la Tora c’est juste, si Israël conquiert la terre comme un homme de guerre c’est l’exil d’Essav qui dure. Si je dois faire le lien avec aujourd’hui c’est simple, la faute des explorateurs a eu lieu le 9 av, les guerriers qui se voyaient se battre ont eu peur…dans les deux sens…

Shabbat Shalom à tous.

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1990
Agrégé de lettres et Docteur en philosophie, Jérôme Benarroch est un ancien élève puis enseignant de la Yechiva des Étudiants de Paris. Il est actuellement professeur de philosophie et de français au lycée Ozar Hatorah Paris 13ème. Enseignant à l’Institut Elie Wiesel, à l’Institut Universitaire Rachi de Troyes, au SNEJ de l’Alliance Israélite Universelle, dans le cadre du cycle ACT de la Yechiva des Etudiants de Marseille, au Collège des Bernardins, et à l’Université Catholique de Louvain, il a publié des articles au sein des Cahiers d’Etudes Lévinassiennes, des revues La Règle d’Abraham, Orient-Occident les racines spirituelles de l’Europe, et des Cahiers philosophiques de Strasbourg et intervient régulièrement sur Akadem.

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