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Bamidbar : Le nombre et les nombres

par: Jérôme Bénarroch

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Le début du livre de Bamidbar pose une difficulté. D.ieu ordonne à Moshé de dénombrer une nouvelle fois les Israélites, le premier jour du mois de Iyar, la deuxième année de la sortie d’Egypte, après l’érection du Mishkan. Le début du livre de Bamidbar pose une difficulté. D.ieu ordonne à Moshé de dénombrer une nouvelle fois les Israélites, le premier jour du mois de Iyar, la deuxième année de la sortie d’Egypte, après l’érection du Mishkan. Il y avait déjà eu d’autres dénombrements, au moment de la sortie d’Egypte, et après la faute du veau d’or. Mais le fait même de compter les Israélites, les dénombrer, pose problème.

En effet, D.ieu avait dit à Abraham que sa postérité serait semblable à la poussière de la terre, et que de même que la poussière de la terre ne peut être dénombrée, sa postérité non plus ne sera pas dénombrable ( Lekh Lekha 13-16 ). Or, de la formulation affirmative du passouk : « que si l’on peut nombrer la poussière de la terre », les sages déduisent que si Israël fait la volonté de D.ieu ils ne seront pas dénombrables, mais que si Israël ne fait pas la volonté de D.ieu, alors là ils seront dénombrables.

D’où nous entendons deux choses :

1. Que le fait d’être comptable apparaît comme une déficience, une limitation.

2. Que le fait de faire la volonté de D.ieu induit une dimension de profusion infinie, illimitée, qui résiste à tout compte.

Et pourtant ici, dans le désert, au moment où D.ieu fait résider sa Shekhina parmi les enfants d’Israël, et que le Mishkan est dressé, Il ordonne néanmoins à Moshé de compter ses enfants.

Que signifie donc ce compte ? Ou, pour être plus précis, en quoi les dénombrements que D.ieu ordonne ne relèvent pas d’une limitation de la promesse d’infinité accordée à Israël ? En quoi ces comptes ne sont pas l’expression d’une réduction à la finitude comptable du monde réduit à sa dimension naturelle ?

Dans la guemara Yoma 22b, Aba ben Dostaï énonce qu’il faut distinguer le compte de D.ieu du compte des hommes, et Rachi, sur le premier passouk de Bamidbar affirme que ce compte, le compte de D.ieu, est l’expression d’un amour pour Israël.

Or Rachi apporte une précision étonnante, il dit : « Il les compte à tout moment », en relatant les précédents comptes de la sortie d’Egypte et de la faute du veau d’or.

On peut comprendre ceci : à tout moment D.ieu s’enquiert des enfants d’Israël, il les compte, chacun par son nom, comme dit le passouk littéralement « d’après le nom de chaque homme », et cela ne signifie pas une limitation pour deux raisons :

1. Premièrement, parce que, comme Rachi le souligne, c’est à tout moment, ce qui indique bien que justement, l’indénombrable vient du fait qu’on ne puisse en finir de compter. Et ce point éclaire en réalité l’intuition que l’on pouvait déjà avoir de la notion d’indénombrable, c’est que l’infini procède pour Israël du temps, de la fertilité infinie et de ses engendrements à travers le temps, car, on n’en finira pas de les compter.

2. Deuxièmement, le dénombrement en question, du fait qu’il est effectué homme après homme, individuellement et jusqu’à l’unité, prouve que le compte vise moins le nombre, que l’attestation extrême de la présence de chacun, de chaque un. D’où le résultat du nombre, à l’unité près, dans cette exactitude étrange pour une logique humaine. Car pour les hommes, fondamentalement, le nombre, dès lors qu’il mesure de très grands nombres, c’est l’ordre de grandeur. Par exemple, si l’on dit, les nazis ont tué 6 millions de juifs, c’est suffisant pour la limitation de l’esprit humain et pervers. Dire le nombre exact, c’est revenir à l’unité, à chacun individuellement.

On pourrait maintenant développer comment la procédure du dénombrement devait s’effectuer dans désert, avec le demi-sicle, et confirmer ce fait. On devrait aussi montrer le paradoxe qui veut qu’aux yeux de D.ieu, ce nombre minuscule d’enfants d’Israël au regard des multitudes des nations (notons justement la généralité du terme multitude), confirme aussi la considération de chacun en même temps que la promesse de l’infini. Donc, Shabat shalom à tous pour étudier la grandeur de notre Tora.

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1990
Agrégé de lettres et Docteur en philosophie, Jérôme Benarroch est un ancien élève puis enseignant de la Yechiva des Étudiants de Paris. Il est actuellement professeur de philosophie et de français au lycée Ozar Hatorah Paris 13ème. Enseignant à l’Institut Elie Wiesel, à l’Institut Universitaire Rachi de Troyes, au SNEJ de l’Alliance Israélite Universelle, dans le cadre du cycle ACT de la Yechiva des Etudiants de Marseille, au Collège des Bernardins, et à l’Université Catholique de Louvain, il a publié des articles au sein des Cahiers d’Etudes Lévinassiennes, des revues La Règle d’Abraham, Orient-Occident les racines spirituelles de l’Europe, et des Cahiers philosophiques de Strasbourg et intervient régulièrement sur Akadem.

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