I. Féminité et politique.
Nous aimerions nous interroger sur la constance de la pudeur dans l’émergence de la royauté à partir de l’étude d’un texte fondateur dans le Traité Méguila 10b.
אמר רבי לוי דבר זה מסורת בידינו מאבותינו אמוץ ואמציה אחים היו.
«Rabbi Lévy nous enseigne : ceci est une tradition que nous avons reçu de nos Maîtres, Amots et Amtsia étaient deux frères. »
Le passage du Traité Méguila nous rapporte plusieurs enseignements que nous avons reçu en tradition de nos Maîtres. Ces enseignements sont, si nous pouvons nous exprimer ainsi, « des fondamentaux ». Qu’y a-t-il de fondamental en nous disant que « Amots et Amtsia étaient deux frères » ?
Et c’est d’ailleurs ce que la Guemara demande :
מאי קמ »ל כי הא דאמר רב שמואל בר נחמני אמר רבי יונתן כל כלה שהיא צנועה בבית חמיה זוכה ויוצאין ממנה מלכים ונביאים מנלן מתמר דכתיב ויראה יהודה ויחשבה לזונה כי כסתה פניה.
« Que nous fait entendre cet enseignement ? Nous en comprendrons la nécessité par le biais de l’enseignement de Rav Chemouel bar Na’hmani qui nous dit au nom de Rabbi Yonathan : toute bru pudique dans la maison de son beau-père aura le mérite que descendent d’elle des rois et des prophètes. Nous l’apprenons de Tamar à propos de laquelle le verset dit «Yéouda la vit et la prit pour une prostituée» (Béréchit 38,15). »
La Guemara demande :
משום דכסתה פניה ויחשבה לזונה אלא משום דכסתה פניה בבית חמיה ולא הוה ידע לה זכתה ויצאו ממנה מלכים ונביאים.
מלכים מדוד נביאים דאמר רבי לוי מסורת בידינו מאבותינו אמוץ ואמציה אחים היו וכתיב חזון ישעיהו בן אמוץ.
«Est-ce parce qu’elle cachait son visage qu’il l’a prise pour une prostituée ? Non, c’est ainsi qu’il faut comprendre le verset : c’est parce qu’elle cachait (toujours) son visage dans la maison de son beau-père et qu’il ne connaissait pas son visage qu’il l’a prise donc pour une prostituée. C’est de là qu’elle mérita que sortent d’elles des rois et des prophètes. Des rois, de David descendant de Tamar. Des prophètes, du fait de l’enseignement de Rabbi Lévy : ceci est une tradition que nous avons reçu de nos Maîtres, Amots et Amtsia étaient deux frères, et le verset nous dit
Vision de Yechayaou fils d’Amots (Yechaya 1,1) [Amtsia était un roi de Judée, descendant donc de Yéouda et de Tamar. Rabbi Lévy, nous enseignant que Amtsia et Amots père de Yechayaou étaient frères, nous enseigne par là que le prophète Yechayaou descendait de Yéouda].»
Pour saisir les méandres du raisonnement, étudions les versets analysés ici. L’abord du passage de la Torah dont il est question ici exige crainte et tremblement.
Mettons les versets dans leur contexte.
Yéouda, fils de Yaakov, se maria et eut trois fils, Er, Onan et Chéla. Yéouda maria son fils Er à une certaine femme nommée Tamar. Er mourut dans des circonstances dramatiques. Son frère Onan épousa Tamar à son tour en vertu de la notion du léviratLa Torah (Parachat Ki Tétsé, Devarim 25,5) enjoint d’épouser la femme de son défunt frère s’il est mort sans enfant. Cette Mitsva de la Torah s’appelle Yiboum ou lévirat en français. [[Cette notion de descendance est fondamentale. L’esprit occidental en lisant ce passage aurait tendance à contester l’explication de nos maîtres (qui insistent sur sa volonté d’avoir une descendance de Yéouda) et dirait : qu’est-ce que cette histoire d’avoir une descendance de Yéouda, disons simplement qu’elle voulait pulsionnellement avoir une relation avec lui ! Notre tradition répond : la descendance c’est la pérennité. C’est la volonté farouche que sa vie ait un devenir qui pousse Tamar à dépasser les normes. C’est la pulsion vitale que sa vie finalement soit réussie, aboutisse. ]] .
Onan mourut dans les mêmes circonstances qu’Er.
Abordons les versets :
Béréchit chapitre 38, à partir du verset 11.
ויאמר יהודה לתמר כלתו שבי אלמנה בית אביך עד יגדל בשלה בני כי אמר פן ימות גם הוא כאחיו ותלך תמר ותשב בית אביה.
« Yéouda dit à Tamar sa bru : retourne veuve dans la maison de ton père jusqu’à ce que grandisse Chéla mon fils, car en vérité il s’est dit de peur qu’il ne meure lui-aussi comme ses frères. Tamar alla et se réinstalla dans la maison de son père. »
וירבו הימים ותמת בת שוע אשת יהודה וינחם יהודה ויעל על גוזזי צאנו הוא וחירה רעהו העדולמי תמנתה.
« Les jours passèrent et Bat-Choua la femme de Yéouda mourut. Après que Yéouda eut reçu des consolations, il monta visiter ses ouvriers qui faisaient la tonte de ses troupeaux avec son ami ‘Hira de Adoulam à Timna. »
ויוגד לתמר לאמר הנה חמיך עולה תמנתה לגוז צאנו.
« On rapporta à Tamar en disant : voici ton beau-père monte à Timna pour la tonte de ses troupeaux. »
ותסר בגדי אלמנותה מעליה ותכס בצעיף ותתעלף ותשב בפתח עינים אשר על דרך תמנתה כי ראתה כי גדל שלה והיא לא נתנה לו לאשה.
« Elle retira ses habits de veuvage, se recouvrit d’un voile, s’en emmitoufla, s’installa en plein croisement de chemins sur la route de Timna, car elle voyait que Chéla grandissait et qu’on ne la lui donnait pas comme femme. »
Que se passe-t-il ? Que nous dit le verset ?
En quoi le fait qu’on ne la donne pas en mariage à Chéla justifie-t-il qu’elle aille faire « le pied de grue » à la croisée des chemins ? Évidemment ce verset est un des plus choquants de la Torah.
Rachi répond :
לפיכך הפקירה עצמה אצל יהודה שהיתה מתאוה להעמיד ממנו בנים.
« Pourquoi s’est-elle abandonnée à ce point devant Yéouda ? C’est qu’elle désirait du plus profond d’elle-même amener de lui des enfants au monde. »
La morale est-elle sauve pour autant ?
Qu’est-ce qui me dit que ce n’est pas la torture de la frustration qui la fit agir ainsi ?
Les commentateurs expliquent qu’il est clair qu’elle ne visait que Yéouda car dans la suite, après qu’elle l’eût rencontré, nous voyons qu’elle retourna chez son père à ses habits de veuvage (verset 19).
Mais que signifie l’expression de Rachi : שהיתה מתאוה להעמיד ממנו בנים , « elle désirait du plus profond d’elle-même amener de lui des enfants au monde »
Verset suivant :
ויראה יהודה ויחשבה לזונה כי כסתה פניה.
« Yéouda la vit et la prit pour une prostituée car elle cachait son visage. »
Nous pouvons maintenant reprendre le début de notre étude :
« Rav Chemouel bar Na’hmani nous dit au nom de Rabbi Yonathan : toute bru pudique dans la maison de son beau-père aura le mérite que descendent d’elle des rois et des prophètes. Nous l’apprenons de Tamar à propos de laquelle le verset dit Yéouda la vit et la prit pour une prostituée.
Est-ce parce qu’elle cachait son visage qu’il l’a prise pour une prostituée ? Non, c’est ainsi qu’il faut comprendre le verset : c’est parce qu’elle cachait (toujours) son visage dans la maison de son beau-père et qu’il ne connaissait pas son visage qu’il l’a prise donc pour une prostituée. C’est de là qu’elle mérita que sortent d’elles des rois et des prophètes. »
Et comment savons-nous que descendirent d’elle des rois et des prophètes ?
C’est à cette question que vient répondre l’enseignement de Rabbi Lévy :
« Rabbi Lévy nous enseigne : ceci est une tradition que nous avons reçue de nos Maîtres, Amots et Amtsia étaient deux frères. »
Quelle est effectivement la pertinence de l’enseignement de Rabbi Lévy ?
Amots était le père du prophète Yechayaou mais aucun verset ne nous indique à quelle tribu d’Israël il appartenait.
Il n’y a aucune source écrite à ce sujet. Rabbi Lévy nous enseigne que la tradition Orale vient nous dire qu’étant donné que son frère était Amtsia roi du royaume de Judée, Yéouda, nous pouvons en déduire que Amots et par voie de conséquence son fils Yechayaou faisaient partie de la tribu de Yéouda.
Nous pouvons nous demander : outre le côté historique qui en soi est résolument inintéressant, quelle est la pertinence de cet enseignement ?
C’est ce que la Guemara demande מאי קמ »ל, « qu’est-ce que cela vient nous apprendre ? »
Ce à quoi la Guemara répond :
« Rav Chemouel bar Na’hmani nous dit au nom de Rabbi Yonathan : toute bru pudique dans la maison de son beau-père aura le mérite que descendent d’elle des rois et des prophètes. »
Synthétisons.
En dernière instance il ressort que toute la pertinence de cet enseignement-base de Tradition Orale (qu’Amots et Amtsia étaient frères) est de nous clamer la grandeur de la femme pudique : « toute bru pudique… »
En substance nos Maîtres nous invitent à lire le verset ainsi :
« Yéouda la vit et la prit pour une prostituée car oh combien était-elle pudique » !
D’où apprenons-nous la grandeur de la femme pudique ? Du verset peut-être le plus scabreux de la Torah !
Du verset dont le sens obvie donne radicalement le contraire !
En effet reprenons le verset :
ויראה יהודה ויחשבה לזונה כי כסתה פניה.
‘Yéouda la vit et la prit pour une prostituée car elle cachait son visage.’
Rav Chemouel bar Na’hmani dit au nom de Rabbi Yonathan qu’il est impossible de lire le verset simplement : ‘Est-ce parce qu’elle cachait son visage qu’il l’a prise pour une prostituée ? Non, c’est ainsi qu’il faut comprendre le verset : c’est parce qu’elle cachait (toujours) son visage dans la maison de son beau-père et qu’il ne connaissait pas son visage qu’il l’a prise donc pour une prostituée.’
Et pourquoi ne pas lire le verset dans sa simplicité ? Pourquoi ne pas dire qu’il la prise pour une prostituée justement par le fait qu’elle cachait son visage et qu’elle faisait des petites manières comme une enjôleuse professionnelle ? Pourquoi bouleverser le verset ?
Évidemment, la réponse simple est de dire que s’il avait l’habitude de la voir il aurait tôt fait de la reconnaitre dans la suite des événements.
Certes, mais il est difficile de réfuter complètement la lecture simple. Et d’ailleurs Rachi dans son commentaire sur la Torah rapporte en première explication la lecture simple, ensuite seulement rapporte-t-il la lecture de Rav Chemouel bar Na’hmani.
Nous proposons la démarche suivante.
Nous sommes ici en face d’un verset qui hurle ! « Yéouda la vit et la prit pour une prostituée » ! Comment est-ce possible ? Comment est-ce possible que cette femme dont la Torah clamera explicitement les qualités exceptionnelles (plus loin chapitre 38, verset 25 duquel nos Maîtres apprennent qu’il est préférable d’assumer de se jeter dans le feu plutôt que de faire honte à son prochain en public) peut-elle faire sciemment des actes qui dépassent l’entendement de toute personne qui a un tant soit peu de respect de soi ?
La Torah répond : « car elle cachait son visage », ce que nos Maîtres traduisent par « car elle cachait son visage dans la maison de son beau-père ».
Comment une « fille de bonne famille » peut-elle faire un acte, avoir une attitude, dignes de ce que l’on pourrait appeler « une trainée » ? Est-ce par déchéance ? Le pire est toujours possible. Mais le contexte prouve éloquemment que juste après la rencontre avec Yéouda elle retourne à sa retenue habituelle.
Le verset vient nous expliquer.
Qu’est-ce qui a fait qu’elle a pu aller au-delà des normes ? Le Talmud répond : c’est son intense pudeur.
La pudeur, c’est être gêné par le regard, gêné de voir et d’être vu, parce que les choses pourraient n’être que ce qu’elles se donnent à voir.
Quand il a fallu agir, car sa vie allait au néant, elle fit ce qui aurait été impossible à quiconque de bien élevé de faire : d’aller à la croisée des chemins provoquer le Tsadik, le juste, de qui elle voulait du plus profond d’elle-même avoir une descendance [[Cette notion de descendance est fondamentale. L’esprit occidental en lisant ce passage aurait tendance à contester l’explication de nos maîtres (qui insistent sur sa volonté d’avoir une descendance de Yéouda) et dirait : qu’est-ce que cette histoire d’avoir une descendance de Yéouda, disons simplement qu’elle voulait pulsionnellement avoir une relation avec lui ! Notre tradition répond : la descendance c’est la pérennité. C’est la volonté farouche que sa vie ait un devenir qui pousse Tamar à dépasser les normes. C’est la pulsion vitale que sa vie finalement soit réussie, aboutisse.]].
La pudeur de Tamar n’est pas inhibitrice, elle est source de créativité.
Dans notre petitesse, les actes et les attitudes reçoivent leur contenu de ce qu’ils se donnent à voir : c’est le culte des images. L’image c’est le contenu.
Tamar innove : il n’y a pas un acte en soi, il n’y a pas une attitude en soi. Tout dépend de l’urgence existentielle qui les sous-tend, de la pulsion de vie qui les sous-tend, pour reprendre l’expression de Rachi : « elle désirait du plus profond d’elle-même amener de lui des enfants au monde ».
Relisons maintenant le verset :
« Yéouda la vit et la prit pour une prostituée. Qu’est-ce qui a fait qu’elle a pu dépasser ses limites pour pouvoir concrétiser ce qu’elle pensait avoir à concrétiser ? Car elle cachait son visage. »
Mais supposons toutes nos questions résolues, nous pouvons maintenant nous demander : mais qu’est ce que tout cela a à voir avec l’émergence de la royauté et de la prophétie ?
Tamar accéda à la royauté en cela qu’elle prit sur elle en acte une volonté supérieure, ou plus précisément une nécessité supérieure.
C’est ce que notre Tradition appelle : « prendre sur soi le joug de la royauté du ciel », עול מלכות שמים .
En général nous avons des critères dans l’existence, ce que les gens biens appellent des valeurs. Ici dans le cas de Tamar, elle était confrontée à une nécessité supérieure, désirer élever des enfants de Yéouda. Mais cette nécessité se heurtait avec le possible. Mais cet impossible n’était-il pas en fait la préséance de l’image de soi [[Les commentateurs soulèvent les problèmes légaux de notre passage. Il faut dire que la Kedécha, la prostituée, n’était pas interdite avant le don de la Torah, ce qui le sera radicalement après. Voir Rambam Hil’hot Ichout, ch.1 Hal.4.]] ?
Tamar innova. De bloqué par la pensée que nous avons a priori du monde, le monde est devenu ouvert.
Nous avons vu dans les chapitres précédents consacrés au roi Chaoul que la royauté est appelée Halom, הלום , ‘ici’. Ce mot est très proche d’un autre mot : ‘Halom, חלום , ‘rêve’. Ce sont presque des homonymes. Quelle est la différence entre le rêve et ‘ici’ ? C’est la petite ouverture en haut à gauche de la barre de la lettre Hé, tandis que dans le mot ‘Halom, rêve, la barre gauche n’a pas d’ouverture en haut.
Nous pourrions dire que se met à jour ici une différence subtile entre deux conceptions du pouvoir ou de la politique.
Une conception que nous appellerions ‘Halom, rêve, qui part avec un projet et l’impose. Le ‘Halom peut être beau, mais n’existe pas [[Les idiots disent toujours que ‘la révolution (quelle qu’elle soit) était bonne au départ, c’est ensuite qu’elle fut dévoyée’. Nous affirmons : tout projet politique est dictatorial en son essence.]] . Et une autre conception innovée par Tamar que nous appellerions Halom qui s’engage dans la justesse de l’ici, quitte à ce que la pensée première se bouleverse et s’ouvre vers ce que nous pourrions nommer prophétie.
C’est ce que dit Rabbi Lévy : « Amots et Amtsia sont frères ». La royauté va de pair avec la prophétie. Il n’y a royauté qu’avec prophétie, émergence d’une autre pensée, d’une autre manière de voir.
II. Nécessité de la prophétie, une pensée au féminin.
Si Tamar est à l’origine de la royauté de la tribu de Yéouda en cela que le roi David descendra finalement de cette rencontre hors-norme, on ne peut pas dire que Tamar fut à l’origine du phénomène prophétique. Il nous semble toutefois que nous pouvons dégager une certaine définition de la pensée prophétique de cet enseignement du traité Méguila.
Reprenons l’enseignement :
« Toute bru pudique dans la maison de son beau-père aura le mérite que descendent d’elle des rois et des prophètes. »
Des rois, nous venons de le voir, mais pourquoi des prophètes ?
Tout d’abord une question, pierre angulaire de notre propos : les femmes sont-elles capables de pensée [[Nous disons « de pensée » et non « de penser » car le terme « pensée » exprime une capacité particulière d’abstraction.]] ? Dans cette question tient toute la modernité, pour le meilleur et pour le pire.
Les ‘Ha’hamim affirment ici : la pudeur intense de Tamar est créatrice de prophétie.
Disons les choses en d’autres termes : la pudeur de Tamar est l’origine d’une terrible réceptivité, d’une volonté illimitée de recevoir. Rachi d’ailleurs nous l’exprime dans ses termes choisis : « Pourquoi s’est-elle abandonnée à ce point devant Yéouda ? » Le terme hébreu que nous avons traduit par « abandonné » est Hèfker, הפקר. Ce terme exprime un abandon total.
La pudeur c’est la réceptivité, comme la prophétie. La capacité de réceptivité émotionnelle de la femme donne l’idée de ce que peut être la réceptivité cognitive qui s’appelle prophétie.
C’est cette terrible, redoutable, réceptivité qui est à l’origine du summum de la pensée : la prophétie.
La pensée en général est, comme la politique, système, machisme, une histoire d’hommes.
Tamar, par son intense exigence, est toute réceptivité. Cette réceptivité l’a fait, à la fois, agir et recevoir, c’est-à-dire agir de manière innovante, prophétique.
C’est la féminité qui, par son intense exigence, arrachera la pensée de sa dimension limitée pour la faire devenir le réceptacle d’une dimension supérieure.
De la même manière que, comme nos Maîtres nous l’enseignent, Amots et Amtsia étaient frères, de la même manière la prophétie sera toujours présente pour exiger de la royauté qu’elle soit en position de réceptivité et non de triviale affirmation de soi.
III. Royauté et Hala’ha.
De la démarche que nous venons de proposer, nous pouvons déduire une définition neuve[[Lorsque nous disons ‘neuve’, nous ne voulons pas dire que nous avons inventé quoi que ce soit. Nous voulons dire ‘neuve pour nous’.]] de ce que notre Tradition appelle Hala’ha.
La Guemara (Traité Guittin 62b) qualifie les Maîtres en Torah de «rois» :
רבנן איקרו מלכים
«Les Sages (en Torah) sont appelés rois».
Comment peut-on qualifier les talmudistes de «rois», quel pouvoir ont-ils ? Sont-ils au devant de la scène politique ? Cela se saurait !
Le labeur des Maîtres talmudistes est d’inventer la justesse de la concrétisation de la parole divine dans le péril du « ici ».
C’est cela la dimension de la Hala’ha. Spontanément, instinctivement, nous pourrions penser que la Hala’ha c’est se conformer à une règle, à une norme en soi. Dire que les Sages sont appelés ‘rois’ implique une toute autre dimension.
C’est dire qu’en dernière instance leur pensée prend le risque de s’éclater pour se soumettre et s’unir à un intellect supérieur que nous appellerons רוח הקודש, «souffle prophétique».
La Hala’ha n’est pas une soumission à une grille de lecture prédéfinie qui est le fantasme du ‘Halom. La Hala’ha est l’épreuve de la pensée qui trace un chemin neuf dans le risque du ‘ici’, Halom.
Nous proposons de dire que toute cette démarche est contenue dans les mots de Rabbi Lévy :
‘Rabbi Lévy nous enseigne : ceci est une tradition que nous avons reçue de nos Maîtres, Amots et Amtsia étaient deux frères.’
« Ceci est une tradition », c’est-à-dire que nous avons reçu de nos Maîtres. Ce n’est pas quelque chose que nous inventons de nous-mêmes, que nous imposons de nous-mêmes : la royauté, telle que nos Maîtres nous la présente ici, s’unit à une dimension de réceptivité, à la prophétie. La royauté, ce que nous pourrions appeler « pouvoir » en français, est dans une certaine mesure une dimension féminine.
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